Les câbles sont omniprésents dans les quatre grands détecteurs du LHC : dans le cadre du deuxième long arrêt technique (LS2), 896 connecteurs SHV ont été installés sur les petites roues du détecteur ATLAS, et 3 200 câbles signaux (70 km au total !) et 6 000 connecteurs ont rejoint le détecteur ALICE. Un résultat qui donne de l’élan au LS2, grâce à l’efficacité de l’équipe câblage (« cabling team ») du groupe Zones d’expérimentation (EN-EA-AS), chargée des tests et de l’installation de ces câbles – une efficacité stimulée par le développement d’un système de test de câbles automatisé, en collaboration avec la section Mesures, tests et analyses du groupe Topométrie, mécatronique et mesures (EN-SMM-MTA).
Tester les câbles est crucial dans ce domaine, où la moindre erreur peut prendre des proportions inattendues. Gianluca Canale, chef de la « cabling team », explique en effet que les câbles sont habituellement remplacés en dernière instance après une panne, qu’il s’agisse d’un détecteur ou d’un avion, tant le processus de remplacement est fastidieux. Pas le droit à l’erreur donc lors des tests effectués avant leur installation. Or, jusque récemment, les tests étaient réalisés manuellement, en mesurant les courants de fuite entre les multiples filaments d’un même câble soumis à une tension de 5 000 volts. Un test de câble exigeait alors quatre heures de travail risqué, soit 80 % de plus que pour un test automatisé. Dans le cas des campagnes de câblage d’ATLAS et ALICE, cela se traduit par une diminution du temps de test de 350 heures, ce qui représente une économie de 16 000 CHF.
Le « HiPotCT » est un boîtier transportable qui avale les câbles et teste leur résistance d’isolement. Le logiciel développé par Stian Juberg, alors étudiant technique au sein de la section EN-SMM-MTA, permet de programmer le test de tous les filaments du câble grâce à un système de relais. Le processus ne nécessite que le branchement du câble et le lancement du logiciel : après quelques dizaines de minutes de vrombissement, l’appareil rend son diagnostic à Maria Papamichali. En sa qualité de membre du programme VIA (volontariat international en administration), puis de boursière, au sein de la « cabling team », Maria a été l’architecte de la spécification du système et s’est notamment occupée de toute la partie électronique puis de l'intégration finale sous forme d’un système mobile.
« Cette solution n’était possible qu’au CERN, où les services s’entraident et se soutiennent. Travailler en collaboration étroite avec Stian sur le processus de développement nous a permis de cibler les besoins précis du HiPotCT sans exclure une possible adaptation de l’appareil à d’autres câbles et connecteurs dans le futur », relève Maria. Le projet a pu bénéficier de l’interaction entre l’expertise de l’équipe MTA acquise dans le cadre de projets d’automatisation de mesures à voltage élevé – notamment des tests d’aimants du LHC au SM18 – et de l’expertise de la « cabling team », fruit d’une volonté de créer un pôle d’excellence en ingénierie des câbles au CERN. La bonne entente entre les services a abouti à ce que l’industrie ne proposait pas, soit un engin mobile, transportable, mais en mesure de réaliser des tests à des niveaux de tensions très élevés.
Grâce au « HiPotCT », les campagnes de câblage sont plus rapides, et les risques de pannes pendant les phases d’exploitation atténués. Mais au-delà de l’aspect technique, Gianluca met en avant l’engagement de son équipe, clé du succès qu’ont été les grandes campagnes de câblage du LS2 : une équipe jeune, composée de stagiaires, de membres du programme de volontariat international en administration et de boursiers, à qui l’on a donné l’opportunité d’assumer des responsabilités et d’innover. Résultat : côté câblage des détecteurs, le LS2, c’est presque fini.